L'empierrement des routes de la Grande Guerre
Pendant la Première Guerre mondiale, les routes et les voies ferrées sont devenues un élément important de l'infrastructure militaire du front de l’Ouest, essentiel pour assurer efficacement le mouvement d’un grand nombre de personnes et de leurs abondants approvisionnements en nourriture, matériels et munitions. À cette époque, peu de routes avaient été construites pour résister à une utilisation intensive. En outre, les camions étaient équipés d’étroits pneus pleins en caoutchouc qui provoquaient une usure prématurée des routes, ne permettant qu’une mobilité limitée hors des chaussées aménagées, voire aucune en terrain humide. Il y eut alors une demande croissante de « pierre » pour l’empierrement des routes et le ballast des voies ferrées. On utilisa 27 millions de tonnes de matériaux d’empierrement lors du conflit, parfois jusqu’à 23 000 tonnes par jour.
Dans la zone des armées, peu de formations géologiques étaient aptes à fournir de bons matériaux d’empierrement. Les couches géologiques anciennes du Nord de la France et de Belgique étaient aux mains des Allemands, à l’exception des carrières de calcaires paléozoïques du Boulonnais qui furent exploitées par les Britanniques.
Une Quarrying Company au travail dans la carrière de Marquise, le 25 novembre 1918. Les wagonnets roulant sur la voie Decauville sont utilisés pour transporter la pierre depuis le front de taille ; un téléphérique « Blondin » est visible à moyenne distance (collection Imperial War Museum, Q 9705). Cliché D. McLellan.
Dans l’est et le centre du Bassin parisien, en dehors du Massif vosgien qui renferme des granites et des porphyres, même les calcaires du Mésozoïque et du Cénozoïque les plus durs, les silex du Crétacé supérieur ou les meulières de l’Oligocène sont trop peu résistants pour soutenir longtemps un trafic routier intense. Il fallut faire appel à près de 80 carrières lointaines exploitant des roches comme les basaltes d’Auvergne, les granites et les porphyres du Morvan et du Bourbonnais, les porphyres de Mayenne, les diorites de Vendée ou les quartzites de Normandie. Néanmoins, si des matériaux d’empierrement d’origine lointaine ont été acheminés vers la zone des armées, les roches locales ont été massivement exploitées.
Ainsi, pour la Voie sacrée,on utilisa sur place les calcaires du Jurassique supérieur, peu résistants mais faciles d’extraction, de concassage et de prise en chaussée.
Carrière dans le « Bononien » (Tithonien) ayant servi à l’empierrement de la Voie Sacrée (Naives-devant-Bar), vue actuelle. Cliché J.P. Fizaine.
Plus d'information dans le livre 14-18 - La Terre et le Feu - Géologie et géologues sur le front occidental.