› Projet de RNN des falaises du Jurassique de Normandie

Rédigé le : 15-09-2022 Catégorie : Patrimoine géologique

Monsieur le Préfet

 

 

L'Association des Géologues du Bassin de Paris (AGBP), créée en 1964 et reconnue d'utilité publique en 1988, a pour objet la promotion et la diffusion des recherches géologiques, la protection des sites et de leur environnement, et des communications scientifiques se rapportant au Bassin de Paris.

La centaine de membre qui y adhère (enseignants, chercheurs, amateurs, étudiants…) participe à de nombreuses activités en partenariat, formel ou informel, avec d'autres organismes et institutions

Notre association organise des journées d'études consacrées à la stratigraphie, à la paléontologie, aux matériaux et aux questions énergétiques et climatiques etc., édite un bulletin trimestriel et des publications et organise des expositions, des visites et des conférences.

L’AGBP est très investie dans la préservation du patrimoine géologique. En témoignent la participation d’un certain nombre de ses adhérents à diverses commission régionale du patrimoine géologique (CRPG) et le prochain ouvrage de près de 220 pages qu’elle publiera en 2023 sur « La géologie à l’origine des patrimoines en Île-de-France ».

Toutes ces raisons font que nous ne pouvons que nous réjouir de la création d’une réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados.

Toutefois, quelques points tels que celui de l’interdiction du « ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » nous interrogent sur l’intérêt géologique et pédagogique à long terme de cette réserve.

Ce sont les enfants et adolescents qui ramassent aujourd’hui les fossiles et coquillages actuels sur nos estrans, qui demain, seront les enseignants, les chercheurs et les amateurs qui vulgariseront la géologie et la paléontologie et transmettront le savoir scientifique.

Comment les parents de ces enfants, qui n’ont pas obligatoirement la connaissance suffisante ou le temps durant un week-end ou même une période de vacances, feront-ils pour faire les demandes de « dérogations possibles dans le cadre de partenariats scientifiques et/ou pédagogiques » de prélèvement ? De plus, même s’ils trouvent le courage et le temps de faire ces demandes, comment celles-ci pourraient-elles aboutir de façon positives dans le délai imparti de la période de vacances et sans but scientifique précis à court terme.

Une discrimination se fera donc entre les « sachants » (enseignants, chercheurs, scientifiques…) et les non-sachants (amateurs, enfants adolescents, amoureux de la nature…). Pour ces derniers, malgré la clause de dérogation, le prélèvement deviendra malheureusement strictement interdit.

Cette interdiction de ramassage réduira à coup sûr, d’ici vingt ans, le nombre des enseignants, chercheurs et scientifiques, géologues, paléontologues et naturalistes. Ceci participera à la disparition de pans entiers de la connaissance et à la confortation des thèses créationnistes.

Cette interdiction de prélèvement des « fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » est d’autant plus surprenante, pour ne pas dire aberrante, que le stock « des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » n’a jamais été tari par le prélèvement des amateurs et que ces « fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » sont voués à l’érosion, destruction naturelle liée aux éléments et à plus ou moins court terme, a une transformation en sédiments.

Le volume des milliers ou millions de fossiles et minéraux dégagés et dispersés sur l’estran est absolument négligeable par rapport à celui des sédiments créés à partir de l’érosion des falaises. Nous parlons ici de parties par million et non de pourcentage. Le prélèvement de ce négligeable futur stock sédimentaire, ne participe donc pas au recul du trait de côte lié à la montée du niveau marin.

Pour ces raisons, cette clause concernant le « ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » nous paraît déraisonnable et contre productive.

À la place de cette mesure d’interdiction, il pourrait être proposé, comme dans le sud-ouest du Dorset (équivalent géologique de notre Calvados sur la côte du sud de l’Angleterre), une tolérance aux ramassages éthiques :

À cette tolérance au ramassage éthique pourrait s’ajouter une autre façon constructive de sensibiliser et d’impliquer positivement le public dans la protection du patrimoine géologique et naturel : la mise en place de panneaux pédagogiques. Sur ceux-ci serait de plus inscrit les rappels légaux et les coordonnées de référents à contacter pour signaler une découverte ou un danger. Cette méthode serait plus motivante pour le public, que la subordination négative au poids de la sanction législative.

 

Pour toutes ces raisons, nous aimerions participer à la discussion au niveau de la phase 2.

 

En vous remerciant par avance pour l’attention que vous porterez à notre sollicitation, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations distinguées.

 

 

Pour l’AGBP :

Docteur Yann SAMSON

Président

https://www.agbp.fr/blog,

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